mercredi 3 février 2010

DIEU CREATEUR : PARLER ou se TAIRE ?

Hier soir, le café interreligieux avait choisi comme sujet de débat : Haïti : où est Dieu ? Le rabbin étant excusé, nous nous sommes retrouvés, le pasteur réformé, le président de la mosquée et le prêtre catholique. Nous avons essayé de dire des paroles de foi, d'espérance qui ne masquent pas la tragédie à Haïti tout en proclamant la bonté et la grandeur du Créateur. Ce n'est pas l'exercice le plus facile !

Plusieurs voix s'élèvent pour dire que ce genre de débat ne mène à rien, qu'il peut même être nocif. Un participant était en colère parce que nous avions parlé de Dieu et non de l'aide humanitaire. Selon lui, peu importent les convictions religieuses, seule l'urgence compte. D'autres ne viennent pas , pensant qu'il n'est pas possible de parler de la foi avec des Musulmans dans le contexte des tensions nationales et internationales. D'autres redoutent que ces discussions fassent le lit des intégristes. J'entends ces critiques, mais je ne les partage pas.

Hier soir, dans un climat d'écoute et de respect, nous avons partagé des paroles divergentes sur la foi au Dieu créateur. Pour certains il est nécessaire que Dieu soit à l'origine de tout ce qui survient pour que Sa Grandeur et Sa Puissance soient établies . Pour d'autres Dieu n'est pas la réponse au malheur, il n'en est pas la cause non plus. Il est Celui qui nous encourage à avancer, à vivre, à ne pas désespérer aux moments les plus difficiles. Dans ce café interreligieux, je crois que c'est la première fois que nous avons échangé sur la grandeur de Dieu avec une telle franchise. Comment ne pas se réjouir de cette liberté dans l'échange. Nous n'avons pas la même religion, raison de plus pour oser se parler. Sinon, quelle espérance nous habite si nous avons peur que l'autre ne puisse être un interlocuteur? Quelle image avons nous des autres croyants si nous n'imaginons pas qu'eux aussi aient envie de nous parler ? Et surtout ! ce clivage à propos du Créateur est il qu'entre l'Islam et le Christianisme ou aussi à l'intérieur des croyants chrétiens ?

Refuser que le dialogue ne puisse s'établir qu'à propos du plus petit dénominateur commun, c'est parier lucidement et fraternellement sur la richesse de la rencontre de l'autre, de l'Autre.

3 commentaires:

AL a dit…

La question d’hier soir ne concernait pas, il me semble, celle de l’aide humanitaire, mais d’une façon plus général de savoir comment des gens qui n’ont plus rien peuvent-ils malgré tout se raccrocher à la Foi !!Ici, l’exemple pris fut Haïti du à l’actualité, mais de nombreuses tragédies ont lieu tout les jours dans le monde ! La question n’était pas celle de la solidarité, ni celle de quoi faire pour les aider !!Le débat reposait sur cette question qui est Où est Dieu devant une telle catastrophe !!Cette question n’est hélas pas valable que pour Haïti, tous les jours l’actualité (voir même ce qui nous entoure) nous révèle la misère qui existe au quatre coin du mode, ou tout simplement en France voir même bas de chez nous !!!Si certains pensent que le débat interreligieux ne serre à rien, le débat d’hier soir, nous a belle et bien montrer le contraire !!! Ce débat nous a permis de comprendre, de mettre en lumière sur quoi la Foi de chacun repose dans un respect mutuel d’écoute. Si cette effort de dialogue n’existe pas comment faire alors pour comprendre l’autre et donc de ne pas avoir peur !

Monique a dit…

Se parler, c’est commencer à construire un pont et non pas un mur de séparation.

C’est en parlant de nos différences que nous apprendrons à nous connaître, nous comprendre et nous respecter. Parler, plutôt que se taire, c’est refuser d’alimenter nos fantasmes et nos peurs cachées par rapport aux pensées et croyances différentes des autres, croyances que je ne connais que par des clichés.

Ce café a permis d’échanger en vérité sur les convictions de chrétiens et musulmans : les divergences n’ont pas été gommées.

Si chacun se crispe dans son coin avec sa croyance bien cadenassée, c’est là que le champ libre peut être laissé aux intégrismes. Le débat aide à nous connaître et à regarder en face nos différences et le dialogue apprivoise nos appréhensions et/ou peurs.


Quant à l’opinion « peu importe les convictions religieuses, seule l’urgence compte », c’est oublier ou méconnaître toute la dimension sociale des œuvres des églises qui s’appuient sur ces textes sur la justice et la paix, préoccupations constantes de l’Ancien et le Nouveau Testament :

« Cessez d'apporter de vaines offrandes […. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, Protégez l'opprimé ; Faites droit à l'orphelin, Défendez la veuve. (Isaïe 1, 13-17) »

« Ainsi parle l'Éternel : Pratiquez la justice et l'équité ; délivrez l'opprimé des mains de l'oppresseur ; ne maltraitez pas l'étranger, l'orphelin et la veuve ; n'usez pas de violence, et ne répandez point de sang innocent dans ce lieu. "(Jérémie 22, 3)

Le chrétien est appelé à mettre en œuvre ce dessein de l'Eternel pour soutenir l'espérance des opprimés, c’est sa mission.

L’évangile est un appel à la révolution de l’Amour pour une Justice Sociale. Le Dieu de Jésus est du côté des pauvres, des humiliés, des faibles.

La spiritualité chrétienne n’est pas une évasion des réalités existantes mais, le combat pour un monde meilleur voulu par Dieu.

Le café a été l’occasion de se redire ces choses ; ça fait plus de 1000 ans qu’on les relit, redit ces textes, et pourtant…. tout est toujours à continuer et à recommencer….


Bien sûr qu’il y a urgence en Haïti ! Ce pays a été touché par l’horreur extrême ! Mais il est juste aussi pour des croyants de parler de Dieu en ce moment, de dire quel Dieu les anime. Il est en même temps juste aussi de dénoncer des dérives comme celle, de ce télévangéliste américain qui explique que le séisme dévastateur de Port-au-Prince serait la conséquence d’un “pacte avec le diable” passé par les Haïtiens il y a deux siècles pour se débarrasser des Français.


Parler de Dieu, c’est rendre hommage aussi à tous ceux qui, au nom de leur foi, ont engagé leur vie, une partie de leur vie, de leurs biens pour soutenir des actions, des oeuvres dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la formation, de la nutrition, de l’agriculture, etc… là-bas depuis des décennies dans un pays gangréné par la corruption, avec des régimes politiques pourris qui ont laissé faire la déforestation, et s’installer un entassement de très grande misère, laisser construire des bâtiments avec des mauvais matériaux dans une zone à haut risque sismique, etc..

Bien sûr qu’il y a urgence, mais déjà ces graines d’espoir qui étaient là-bas et qui ont survécu au séisme sont encore à l’œuvre. Autour de nous, nous connaissons des associations dans l’agglomération que nous pouvons aider à se relever, si besoin est, pour qu’elles continuent ou reconstruisent ce qui était déjà commencé. On sait où va l’aide, ça ne sera pas gaspillé ou perdu dans les grands fonds collectés.

Et puis c’est vrai il y a la grande reconstruction de ce pays, mais ça ça me dépasse !


Pour répondre à la grande question de Dieu, j’aime me rappeler cette citation de Saint Jean : « Dieu, personne ne l’a jamais vu. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli. »
1ère Epitre de Saint Jean 4, 12

L’amour n’est pas l'exclusivité du croyant.

Anonyme a dit…

Il y a "urgence" à haïti... C'est cela qui compte...
Dieu, on s'en occupera plus tard...
Oui, il y a "urgence" à Haïti pour sauver des vies, pour distribuer la nourriture, pour construire des abris...
Mais n'oublions pas, celui qui est sorti des ruines aprés avoir passé 3 jours ou plus coincé sous les décombres, dans le noir et la souffrance... A qui a t'il parlé? En qui a t'il mit son espoirs?... Il l'a dit lui-même à sa sortie, au retour à la lumière:"Merci mon Dieu et priez pour ceux qui m'entourent".
Oui, il y a "urgence", mais doit-on mettre un carton rouge à Dieu? Il y a des blessés physiquement qui ont besoin de pansements et il y a des bléssés moralement (parfois ces blessures sont profondes mais elles ne se voient pas) qui ont besoin de parler, parler à Dieu, de prier, pour raviver leur espérance, leur envie de vivre... Ils mettent leur confiance en Dieu.
En lisant les commentaires, un passage d'évangile se rappel à moi (Luc 8;22-25)"La tempête apaisée": remplaçons le mot foi par confiance...
Dieu est là, même dans les pires circonstances, mais les larmes du malheur, de tristesse, de la peur, nous empêchent de le voir. Dieu, lui, a toujours confiance en l'homme qu'il aime.