mercredi 31 mars 2010

JEAN BAPTISTE PUSSIN.

En cette semaine de Pâques, cet illustre inconnu, Jean Baptiste Pussin, nous rappelle le combat pour la dignité de chaque homme, combat qui n'est pas que celui des chrétiens, mais de tous les hommes de justice et de respect.

Né à Lons le Saunier, Pussin est un incurable : les écrouelles ont attaqué son cou. Venu à Paris, il va échouer à Bicêtre salle saint Joseph , deux cent cinquante vieillards, incontinents, paralytiques, enfants, mourants, épileptiques... Bicêtre , cet hospice fameux, abrite près de trois mille personnes, malades, pauvre, prisonniers, fous...... " C'est l'abandon ou la résistance. Tantôt l'un, tantôt l'autre. Ou l'un enchevêtré à l'autre. Et c'est avec ça qu'il nous faut tous ruser un jour, qu'on soit obscur ou renommé, d'ici ou d'ailleurs, de ton temps ou du mien."

Jean Baptiste va se battre, résister, tenir debout. En 1780, il devient chef de la division des garçons enfermés. En août, gouverneur de l'emploi des fous. Ce fils de tanneur qui aime lire mais qui n'a pas étudié dans les écoles va se mettre au travail. Il va inlassablement rendre visite à ceux dont il a la charge. Il va se battre pour la qualité de la soupe, pour la ration de pain. En 1790 Pussin va demander aux autorités révolutionnaires " une augmentation d'une demi livre de pain pour chaque individu." Il réiterera sa demande et obtiendra gain de cause. Pussin est le seul à tenir un cahier sur " l'état des fous " qu'il remettra à Pinel en 1792. " Un travail modéré et la distraction sont très favorables au rétablissement de ces malheureux " écrit il alors que tous ne parlaient alors que de fous incurables. Pussin ajoute : " D'ailleurs , quel est celui qui peut se flatter de passer sa vie sans aucun revers et de n'avoir à craindre le même sort ?"

Pinel et Pussin vont lutter contre les saignées trop fréquentes et inutiles. Surtout, c'est lui l'obscur Jean Baptiste Pussin qui va enlever les chaînes des malades les plus dangereux. Pinel lui demande : " Quand ils deviennnent trop méchants, que faites vous? -Je les déchaîne.-Et alors?- Ils sont calmes ! "

Lisez, relisez ce livre magnifique : Dans la nuit de Bicêtre . Marie Didier collection Folio.

vendredi 26 mars 2010

EVANGILE de la PASSION.

Le jour des Rameaux est lu dans les églises l' Evangile de la Passion. Jésus est fidèle jusqu'au bout à la Justice de l'Eternel. Sa non violence fait éclater la violence de la religion et de la société.

Luc qui était médecin note que " dans l'angoisse Jésus priait avec plus d'insistance; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu'à terre." Jésus connaît l'angoisse, l'abandon au jardin des Oliviers. Il demande à ses disciples de prier avec lui, mais ils s'endorment. Ce soir là pour une fois Jésus demande aux siens de l'accompagner et ils ne l'entendent pas. Jésus a totalement partagé notre condition. Ce n'est pas un être extra terrestre ou un héros stoïque. Il a connu l'abandon, la solitude, le sentiment d'échec.

" A la vue de Jésus, Hérode éprouva une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu'il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa beaucoup de questions, mais Jésus ne lui répondit rien......Hérode, ainsi que ses gardes, le traita avec mépris et se moqua de lui."
S'il y avait un bon Dieu, il y aurait moins de malheur......
Dieu ne m'a pas aidé, je ne crois plus en Lui.....
J'attendais un miracle, et rien n'est arrivé........

" Pendant qu'ils l'emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu'il la porte derrière Jésus."
Combien de gens n'ont rien demandé et le hasard de l'existence fait qu'ils aident leurs proches, leurs voisins à porter une croix. La vie les a " réquisitionnés ", ce n'était pas prévu et ils n'ont pas refusé d'aider, d'écouter, d'accompagner ceux qui crient leur souffrance.

Jésus , Hérode, Simon de Cyrène...........et les autres ! Comment ne pas nous reconnaître dans ce récit des dernières heures de la vie de Jésus à Jérusalem il y a deux mille ans?

mercredi 24 mars 2010

MERCI JEAN FERRAT.

La semaine dernière, Jean Ferrat était inhumé en Ardèche. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai vu quelques images le soir au journal télévisé. Il était bien précisé qu'il n'y avait pas de messe, pas de passage dans une église, ce qui était normal vu les convictions du chanteur. Ferrat , qui ne croyait pas en Dieu, nous a donné un incroyable message d'espérance, de fraternité, de bonté lors de cette dernière rencontre. Devant son cercueil posé sur la place du village, Isabelle Aubret a chanté a capella une des grands chansons de son ami.

Tout ce qui tremble et palpite
Tout ce qui lutte et se bat,
Tout ce que j'ai cru trop vite
A jamais perdu pour moi.

Tout ce que j'ai failli perdre
Tout ce qui m'est redonné
Aujourd'hui me monte aux lèvres
En cette fin de journée.

Pouvoir encore partager
Ma jeunesse, mes idèes
Avec l'amour retrouvé
Que c'est beau, c'est beau la vie.


Pouvoir encore te parler
Pouvoir encore t'embrasser
Te le dire et le chanter
Que c'est beau, c'est beau la vie.

J'ai été bouleversé. Ferrat , le jour de ses adieux, chantait l'Espérance, le meilleur de l'existence. La joie, l'amour, la paix avaient rendez vous avec nous les humains si souvent désespérés.
Merci !

vendredi 19 mars 2010

ENTRE HOMMES ....

C'est une histoire d'hommes, une histoire tristement banale. Ils sont plusieurs, pour se rassurer et être certains de leur bon droit. Ils sont honnêtes, religieux, pratiquants . Ils se retrouvent dans le lieu saint de leur religion. Ce ne sont pas de simples fidèles, " des scribes, des pharisiens." Ce n'est pas la première fois qu'ils veulent tendre un piège au Rabbi de Nazareth pour pouvoir l'accuser et le faire condamner. Cette fois, l'occasion est trop belle. Ils ont surpris une femme en train de commettre l'adultère .

" Dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes là . Et toi , qu'en dis tu ?" Le piège semble parfait. La femme n'a pas le droit à la parole, alors qu'elle n'était pas seule à commettre l'adultère ! Cela se passe entre hommes. Jésus peut il aller contre Moïse, le prophète à qui le Seigneur parlait ?

Ils sont sûrs d'eux et se réjouissent déjà de ce qu'ils vont faire : lapider une pécheresse.

Jésus ne les regarde pas dans les yeux, durement, pour condamner leur attitude. Il trace des traits sur le sol. Son visage ne veut pas entrer dans le cycle infernal de la haine. Il ne les juge pas.
Il parie sur le meilleur de leur coeur, de leur intelligence, de leur foi. " Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre." Leur sens de Dieu est plus fort que leur bon droit moral. Seul le Créateur est sans péché. Ils s'en vont , en commençant par les plus âgés.
En misant sur leur " bonne foi " Jésus brise la spirale de la violence et de la haine. Toute vie est plus importante qu'un commandement moral.

Jean 8,1-11.

mercredi 17 mars 2010

M. DELARUE et les PRISONS.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean Marie Delarue vient de publier son second rapport . Il y évoque la vie dans les prisons. Ce haut fonctionnaire a le grand mérite de parler vrai, sans aucune langue de bois :

" Les chefs d'établissements pénitentiaires sont très réceptifs. On a plus de mal avec le ministère de l'Intérieur.
Qu'on arrête de nous bassiner avec ces détenus qui obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur en prison ! Ils sont une exception.
Les surveillants vivent dans la crainte d'une sanction en cas d'incident. Entre la dignité d'un détenu qu'ils vont côtoyer pendant quelques mois et leur responsabilité personnelle, ils ont vite fait de choisir."

M. Delarue rappelle que la loi pénitentiaire de 2009 prévoit " que toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins une des activités de la prison en vue de la réinsertion." Or, le rapport constate l'oisiveté de la plupart des détenus. En maison d'arrêt, moins d'un détenu sur cinq a un travail. Dans les centres de peine la situation est meilleure mais s'est dégradée avec la crise économique. A Argentan, 32% ont un emploi pour 400E en moyenne.
La formation manque de moyens. A la maison d'arrêt de Caen le Greta a cessé ses activités , faute de budget, depuis le 1er Janvier.
Le sport est la principale activité , mais le rapport note de longues listes d'attente et des régimes de faveur.

Autre point inquiétant pour l'avenir, les nouvelles prisons sont ultra sécuritaires, profusion de grilles, de caméras. Les surveillants sont , aux points de contrôle , " cachés " derrière des vitres sans tain. Le risque est que ce souci sécuritaire déshumanise encore plus les prisons et que le rapport humain surveillant détenu disparaisse peu à peu, alors qu'il est la clé des rappports humains en prison.

Sur Internet : www.cglpl.fr

vendredi 12 mars 2010

ERIKSON et le FILS PRODIGUE.

Mercredi, au centre psychiatrique Esquirol, j'ai assisté à une conférence sur la parentalité. Le thérapeute, psychologue pratiquant l'hypnose, résumait son propos en disant que le grainetier, le géniteur, et le jardinier, l'éducateur, n'étant pas toujours la même personne : " le père, c'est celui qui aime ". Pour Erikson, la pratique de l'hynose permet de " remettre à leur bonne place " le rationnel et l'émotionnel de nos existences.
La conférence se terminait par cette phrase d'un auteur africain : " C'est la parole qui fait la filiation, c'est la parole qui la retire." Et l'intervenant d'ajouter : " C'est la parole qui la reconstruit."

L'histoire du fils prodigue au chapitre quinze de Luc nous permet de mesurer la justesse des propos tenus lors de cette conférence.

" C'est la parole qui retire la filiation."

Culpabilisé par son errance et ne pensant plus qu'à ne pas mourir de faim, le fils casse la filiation. Il ne souhaite qu'être un ouvrier parmi les domestiques de son père. " Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Prends moi comme l'un de tes ouvriers." Raisonnant comme " un bon religieux " qui ne pense qu'au bien et au mal, il ne peut imaginer être encore aimé de son père après avoir gaspillé sa part d'héritage. Le jugement moral lui semble plus fort que la relation aimante.

" C'est la parole qui fait la filiation."

" Allez chercher le veau gras, tuez le; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé." Pour le père, une seule chose compte, son fils est là , il n'est plus perdu. La relation est rétablie, il peut être à nouveau le père de cet enfant trop vite parti de la maison familiale. Etre père, être fils est plus important que toutes les erreurs commises. Sa maison peut à nouveau connaître la joie et la fête. Le " deuil " est terminé.

Les croyants juifs et chrétiens, comme les psychologues, savent l'importance de la parole. Ce sont nos paroles qui font ou défont nos relations. La parole de Dieu est joie, fête et création lorsque nous n'avons plus peur de notre mystérieux créateur qui est un Père assez aimant pour faire la fête pour le retour d'un enfant bien ingrat. Le Très Haut ne nous demande pas la perfection, Il attend notre confiance.

mercredi 10 mars 2010

JESUS N'A PAS DIT.

JESUS N'A PAS DIT : Cette femme est volage, légère, sotte, elle est marquée par l'atavisme moral et religieux de son milieu, elle n'est pas une femme !
IL lui demande un verre d'eau et il engage la conversation. Jean 4,1-42.

JESUS N'A PAS DIT : Celle là qui cherche à toucher mon manteau n'est qu'une hystérique. IL l'écoute, lui parle et la guérit. Luc 8,43-48.

JESUS N'A PAS DIT : Cette vieille qui met son obole dans le tronc pour les bonnes oeuvres du temple est une superstitieuse. IL dit qu'elle est extraordinaire et qu'on ferait bien d'imiter son désintéressement. Marc 12,41-44.

JESUS N'A PAS DIT : Ces enfants ne sont que des gosses. IL dit : laissez les venir à moi et tâchez de leur ressembler. Matthieu 19,13-15.

JESUS N'A PAS DIT : Ce centurion n'est qu'un occupant. IL dit : Je n'ai jamais vu pareille foi en Israël. Luc 7,1-10.

JESUS N'A PAS DIT : Ce savant est un intellectuel. IL lui ouvre les voies par une renaissance spirituelle. Jean 3,1-21.

JESUS N'A PAS DIT : Ce Judas n'est qu'un traître. IL l'embrasse et lui dit : Mon ami. Matthieu 26,50.

JESUS N'A PAS DIT : Ce fanfaron n'est qu'un renégat. IL lui dit : Pierre, m'aimes tu ? Jean 21,15-17.

JESUS N'A JAMAIS DIT : Il n'y a rien de bon dans celui-ci, dans celui-là, dans ce milieu-ci, dans ce milieu-là. Pour lui, les autres, quels qu'ils soient, quels que soient leurs actes, leur statut, leur réputation, sont toujours aimés de Dieu.
Jamais homme n'a respecté les autres comme cet homme. IL est unique. Il est le Fils unique de Celui qui fait briller son soleil sur les bons et les méchants. Matthieu 5,48.

Cardinal Decourtray.

vendredi 5 mars 2010

DIEU : NON COUPABLE.

Jésus commente l'actualité au chapitre 13 de Luc ! Des résistants galiléens ont été massacrés par les Romains qui les crucifiaient par centaines le long des principales routes. A Jérusalem, une tour s'est effondrée , faisant dix huit victimes. Bien avant notre brave Descartes, Jésus fait oeuvre de raison. Les responsables sont l'occupant romain et sa politique de représailles et la mauvaise qualité de la construction. Dieu n'y est pour rien. Il ne s'agit pas d'une punition, d'une sanction pour punir de grands pécheurs. Les propos de Jésus sont clairs, nets. " Il ne s'agit pas de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens. "


Et pourtant, le jugement, la culpabilité semblent si profondément enracinés en nous que nous cherchons encore trop souvent des responsables lors des grandes catastrophes. L'idèe d'un Dieu auteur du malheur est parfois présente. Certains ont osé parler de punition divine à propos du tremblement de terre en Haïti. Quelle misère et quelle sottise. Il vaut mieux ne pas croire en Dieu que de le dire responsable de nos malheurs. Jésus refuse catégoriquement cette peur d'un Dieu qui nous enverrait des catastrophes pour se venger de nos infidélités. Mais la leçon du Rabbi n'est pas toujours retenue.

C'est l'idèe de grandeur de Dieu qui est derrière ces débats. Nous confondons trop souvent grandeur et puissance. Jésus , à la suite des prophètes, ne croit pas en un Créateur qui serait le juge suprême de nos actions. La présence de l'Eternel n'est pas dans l'ouragan, dans le tremblement de terre. Elle est dans la brise du soir , comme le constate le prophète Elie. Les malheurs humains ont leurs causes propres. Ils ne sont pas les fruits d'un Dieu vengeur. Dieu n'est ni reponsable, ni coupable de nos errements ou de nos malheurs. Il est Celui qui nous tend inlassablement la main pour nous relever et continuer la route.

mercredi 3 mars 2010

Un PROPHETE dans l'ACTUALITE.

Hier, le café interreligieux avait choisi de débattre du prophétisme. Je ne peux que vous inviter à venir à ces rencontres qui ont lieu le premier mardi du mois au Café des Images à Hérouville, de 18h30 à 19h30. Au fil des mois, les échanges sont de plus en plus passionnants et sérieux.
J'ai aimé entendre hier les diverses conceptions du rôle du prophète. Pour le rabbin et la musulmane présents, le prophétisme est terminé après Malachie pour l'un et Mohammed pour l'autre. A leur suite, nous pouvons vivre de leur espérance, sans être des prophètes au sens strict. Le pasteur et le prêtre avaient un autre avis, parlant de prophètes actuels. Le rabbin est intervenu plusieurs fois pour souligner que le Seigneur avait parlé directement à ceux qui sont appelés prophètes, et qu'Il ne nous parlait pas de la même manière. Les prophètes sont ils dans le champ politique ou non ? Les avis étaient divers. Une nouvelle fois, j'ai ressenti combien il est passionnant d'entendre d'autres dire le meilleur de leurs convictions, de constater nos accords comme nos désaccords. Quelle belle écoute que celle des autres ! Il est si rare de mettre ainsi autour d'une table des représentants de plusieurs religions qui peuvent dire librement l'essentiel de leur foi, de leur espérance pour bâtir la justice .

Il me semble qu'un prophète est celui dont les actes et les paroles dépassent les limites de sa religion, de son clan, de sa couleur de peau. La vie de Gandhi ne concerne pas seulement les Indiens.
Un prophéte n'est "universel " que parce qu'il est enraciné dans sa tradition, qu'il puise sa force et son courage dans la contemplation, dans la méditation.
Les prophétes actuels ou anciens sont toujours intervenus dans les grands débats de société. Leurs actes et leurs paroles s'inscrivent dans le champ du politique, sans chercher à y faire carrière.

Y a-t-il encore des prophétes ? Samedi dernier le cinéma français a répondu oui en primant le film d'Audiard. Cette histoire romancée, ce n'est pas un documentaire, met en scène la violence quotidienne dans les prisons. Cette violence, physique , verbale est tellement forte que certains rejettent ce film en disant que cela n'a rien à voir avec la réalité carcérale. Et pourtant, le climat de violence dans les prisons est permanent. Est il si fort que nous ne pouvons que le nier ? Audiard a peut être fait oeuvre " prophétique " en exhibant ce climat pour que nous ayons le courage de lutter contre cette violence qui nous fait si peur.